A l’abri de notre tumultueux monde se préparait doucement et patiemment un projet loin de nos attentes.
C’était sans compter sur le retour de Ludovic Navarre, alias Saint-Germain, digne représentant et précurseur de l’acid jazz et de la deep house made in France, revenu il y a un mois avec « St Germain » son nouvel album.
Le nom est familier certes, mais la surprise elle, est inattendue…
A l’époque où brillait au sommet F Communication, le colossal label français de musiques électroniques underground, Saint Germain sortait de l’ombre avec Boulevard (1995), son premier album.
Œuvre semblerait être le mot adéquat, avec des titres qui marqueront la musique électronique, comme le culte Deep in it, composition parfaite d’acid jazz, aux ambiances savoureuses de lounge musique, bourrée de solos entêtants et d’un beat house qui continue même de vous plonger dans l’âme des clubs 90’s.
S’en suit Tourist (2000), vendu à près de 2 millions d’exemplaires et produit par l’emblématique label américain Blue Note, affirmant Saint Germain sur la scène internationale, riche de collaborations acoustiques et d’explorations reggae, jazz, latines, électroniques ou bien blues, qui dénotent une sensualité et une profondeur sans frontières (Sure Thing).
Paradoxe d’un homme plutôt proche du milieu du jazz que des ambiances survoltées des clubs, Saint Germain se dessine une image de fierté prononcée, de sérénité et une part de mystère.
Après une dernière tournée en 2002 éprouvante pour l’artiste, se sentant s’ennuyer d’une perte d’inspiration, il disparut de la scène musicale, tout comme la chute sans précédent du vinyle entraînant aussi celle de F Communication…
Mais les légendes ne meurent pas, elles restent en sommeil.
Saint Germain n’a jamais été oublié, il laissait derrière lui les bases solides d’une musique avant-gardiste, éclectique, envoûtante.
Une légende sort donc de son tombeau de sable, brûlant d’un chaud soleil Africain.
Oui, c’est en Afrique que Saint-Germain nous invite, après 15 longues années.
Le Mali sera plus précisément la destination de ce nouvel album éponyme de 8 titres (comme Boulevard ; certains y verront probablement un signe), produit par Parlophone.
Real Blues, est l’ouverture représentative de cette fusionnelle union entre deux genres.
C’est ce mariage ethnique, ce mélange entre électronique et acoustique africaine, allant des percus à la Kora (guitare), et à ce sample Blues du morceau de Lightin’ Hopkins, You caused My Heart To Weep, justifiant ce titre si évocateur.
Ou le suivant, Sittin’ Here, nous ensorcelle grâce à la voix de Nahawa Doumbia, qui affirme cette plongée dans un univers rassurant et apaisant.
Kamele, N’Goni, Kora, Soku, tous ces instruments étrangers méconnus, trouvent ici leur place au milieu de toutes ces fraîches collaborations, et l’on réalise combien il peut s’avérer compliqué d’arriver à une alliance aussi subtile.
St Germain est un concept totalement novateur, il transporte, il éveille les émotions, déconnecte de la réalité par sa profondeur, sa chaleur et son originalité, comme si une âme l’habitait du début à la fin.
Et il serait tentant de détailler chaque morceau qui le compose.
Mais nous pourrions aussi spontanément se demander si nous ne sommes pas un peu loin du Ludovic Navarre d’antan. Lui-même le dit, quand il écoute le retour actuel de la deep house, par ceux qui tentent de recréer son travail, ou cette époque passé, il y trouve peu d’intérêt. (src: Tsugi)
C’est ici que se justifie l’âme de St Germain, le renouvellement, le voyage vers l’inconnu, toujours avec sincérité, et humilité.
WM.
(Crédit Photo: Kevin Davies)
Comments are closed.